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VIE ET TEMPS DE LA SACRÉE FAMILLECHAPITRE UN
JE SUIS LE PREMIER ET LE DERNIER
Généalogie de
Jésus-Christ, fils de David, fils d'Abraham...fils de David...fils de Zorobbabel, fils d'Abioud, fils
d'Eliakim, fils d'Azor, fils de Zadok, fils d'Aquim, fils d'Elioud, fils d'Eleazar, fils
de Matthan, fils de Jacob...
MARIE DE NAZARETH
La Vierge est née à Nazareth,
au cœur de la Galilée. Comme tout le monde le sait, grâce aux évangiles
canoniques, le père de la Vierge s'appelait Jacob et sa mère Anne. Jacob de
Nazareth, le père de Marie, est mort alors que Marie était très jeune. Un beau
jour, son esprit est monté au ciel et n'est pas revenu. Cela s'est passé
pendant les années du règne d'Hérode.
Le défunt a laissé
derrière lui des orphelins, un orphelin et une veuve. Du point de vue des
choses humaines, Jacob, fils de Matthan, fils du roi Salomon, fils de David,
roi et prophète, est allé mourir à un mauvais moment. La mort, bien sûr,
n'arrive jamais au bon moment. Mais malgré toutes ces mauvaises choses, Jacob
de Nazareth est allé mourir au meilleur moment possible.
Ces grandes
sécheresses qui, pendant tant d'années, ont ravagé les provinces du
Moyen-Orient, avaient enfin disparu ; les fameuses vaches grasses qui, un
moment, avaient semblé ne jamais devoir revenir, revenaient, toutes plus
rebondies les unes que les autres ; elles étaient revenues et promenaient leur
abondance sur les champs de toutes les provinces de l'ancien Levant, quand les
Grecs et les Romains.
L'horizon lumineux
tant attendu, supplié, désiré, demandé dans d'innombrables processions Temple
d'en bas Temple d'en haut, s'était aussi approché, bien sûr, des collines de
Nazareth. Son rayonnement commençait déjà à briller dans les yeux de ses
habitants avec la lueur de l'étoile des prières entendues, du souhait exaucé.
Les bergers de la Galilée, les pêcheurs de la Mer des Miracles, les agriculteurs
des vallées du Jourdain, les artisans du pays dans les ténèbres du désespoir,
tous ensemble sont descendus dans les rues pour célébrer les années des vaches
grasses. Enfin, elles étaient arrivées !
La Maison de la
Vierge a profité de la joie générale avec l'intensité de ceux qui ont mal vécu,
aussi mal que les autres, moins bien que les autres, pas beaucoup mieux que la
plupart des gens qui ont vraiment mal vécu pendant ces longues années... Ils
étaient si nombreux !
Ce n'était pas
seulement cette sécheresse. Ce sont également ces tremblements de terre qui ont
ravagé le Moyen-Orient, répandant la famine des montagnes du Liban aux rives de
la mer Rouge. Et plus encore. Aussi terribles qu'aient été ces années de grand
désespoir, la politique fiscale du tyran Hérode jouait la carte de la hache,
coupant toutes les têtes qui parvenaient à rester à flot. Sous Hérode le Grand,
respirer est devenu un crime. Le droit à la parole était interdit. La qualité
sacrée qui fait la différence entre l'homme et la bête était sanctionnée, et
son exercice condamné au mieux au bannissement, au pire à la peine capitale.
Tant de places fortes ont été construites par Hérode, tant de gibets ont été
comptés en Israël. De tous les métiers, la prostitution est le plus ancien,
mais le seul qui ne s'est jamais démodé à l'époque d'Hérode le Grand est celui
de bourreau. Comme c'est drôle, alors que le jour du Jugement dernier arrivait
ou non, les petits de la famille du Tyran se construisaient des palais avec des
blocs de marbre! Et des forteresses dignes d'un empereur, et des casernes et
des garnisons militaires contre une éventuelle insurrection de ceux qui sont
capables de faire tomber les murs de l'enfer.
Ni les Pharaons !
Le pharaon de Moïse
était mauvais, les Hérodes étaient pires.
Et, pendant ce temps, alors que le tyran dévorait un fils ou un frère, le
peuple continuait à subir des calamités physiques et spirituelles dont,
lorsqu'elles se produisent, on ne veut même pas se souvenir. Qui se
souviendrait de ces années de vaches maigres lorsque les deux mille ans auront
passé ? Cependant, la schizophrénie du tyran… la schizophrénie du tyran restera
dans les mémoires de l'Histoire : Hérode le Grand ! Ce meurtrier n'avait besoin
que de ça, d'être autorisé à tuer à volonté. Ses fils, ses frères, sa femme,
ses amis, ses ennemis, qu'ils soient innocents ou non. La permission de César
lui-même de violer toutes les lois du droit romain.
Sous le règne
d'Hérode, il est arrivé un moment où il suffisait de bouger les lèvres pour que
la justice tombe sous les roues de sa paranoïa meurtrière. Les Romains - il
faut le dire - ont commis de nombreuses erreurs ; de toutes celles que s'est
permises Octave César Auguste, donner la Couronne des Juifs à un Palestinien
est un échec que le Juge de l'Univers lui-même doit avoir du mal à pardonner.
Mais revenons au
sujet de la vie de la Vierge et de sa famille. Jacob de Nazareth, le père de
Marie, venait de mourir.
Précisément parce
qu'Anne, la veuve de Jacob de Nazareth, et ses filles aînées Marie et Jeanne avaient
presque oublié le genre de bataille que l'homme qui leur était si cher avait dû
livrer contre les éléments de cet été sans fin, on comprend que sa perte,
maintenant que la lumière de l'espérance commençait à engendrer dans les
mamelles des vaches de l'étable l'or de l'abondance, ait été infiniment plus
insupportable et plus dure pour la mère de la Vierge que la perte de son mari.
Anne et Jacob de
Nazareth ont surmonté toutes les mauvaises choses avec courage et ont répondu
aux mauvais moments avec le bon visage de ceux qui marchent dans la paix de
Dieu. Jacob de Nazareth et Anne ont aussi rêvé des jours de vaches grasses
pendant tous les jours des dernières années, comme tout le monde ; et ils ont
ri des mauvais moments en donnant naissance à six enfants.
Il s'est avéré qu'au
lieu de laisser les mauvais moments creuser un fossé entre eux, Jacob et la
dame se sont rapprochés encore plus étroitement, si possible, dans l'étreinte
de l'amour qui les a fait s'émerveiller d'être ensemble. Marie était appelée le
premier-né du défunt ; puis venait Jeanne. Ils ont été suivis par des jumeaux,
puis par une autre fille, et le fleuve de la vie a été fermé par l'enfant de la
maison, Cléophas, un bébé dans ses jours de lait lorsque son père est
mort.
"Maintenant que
le soleil brille à nouveau, ma fille, le Seigneur me laisse seule avec mes six
enfants ; qui m'apprendra à vivre sans ton père, Marie ?" Ainsi la mère de
la Vierge répandit son âme saignante. La jeune fille recueillit sur ses genoux
les larmes de la mère qu'elle aimait tant. Comme toute petite fille qui s'est
perdue dans une forêt d'inconnus, la Veuve pleure à chaudes larmes. Dans le
cœur de Marie, cependant, la présence de son père s'était simplement endormie.
Marie pouvait encore
voir, sentir, ressentir, entendre son père tout sourire lorsqu'il répondait à
ses questions et à celles de sa sœur Jeanne sur le Seigneur. Marie le voyait
encore traiter avec les moissonneurs, les maraîchers et les éleveurs du village
avec la joie et la force d'un homme respecté, estimé et considéré comme honnête
d'un bout à l'autre du district. Son père était le genre d'homme qui vous
regardait dans les yeux, droit dans les yeux, sans doubles standards. On
pouvait lire dans les yeux de Jacob de Nazareth la sincérité qui
transparaissait dans ses paroles.
Quand les années de
vaches maigres sont arrivées, le père de Marie était l'homme de la situation.
Comme les champs ne produisaient plus assez pour payer des salaires
supplémentaires, Jacob de Nazareth prit sur lui la charge d'extraire de ses
champs au moins quelques sacs d'amandes, quelques arrobas d'huile, quelques
mesures de blé, quelques quintaux des fameux vins de la maison. Ses deux filles
aînées, Marie et Jeanne, savaient aussi bien que sa veuve contre quel genre de soleils
stériles l'homme devait se battre ! Dieu merci, même si elles étaient petites,
Marie et Jeanne étaient là pour aider avec les olives en hiver, avec les
amandes, les figues et le blé en été, avec les animaux en automne, en été, en
hiver et au printemps. Ce que la Veuve de Jacob de Nazareth donnerait
maintenant pour se lever à l'aube du matin et préparer du lait, du pain et de
l'eau pour le père de ses filles !
Marie savait très
bien que pour voir son père se relever à l'aube, dire au revoir à ses filles
avec ce sourire dans les yeux, sa mère donnerait sa propre vie. Mais il n'y
avait rien à faire pour faire reculer la meule du temps. Maintenant, il était
temps de vivre, de choisir entre le mari mort et les enfants vivants.
Des deux filles,
Marie et Jeanne, Jeanne était la plus jeune, un an de moins que Marie. Marie
était la plus âgée, la plus grande de la maison. Mystères de la vie, c'est
elle, Jeanne, la plus jeune des deux, qui s'intéressait davantage à la campagne
; peut-être parce que Juana avait hérité de son père le goût de l'odeur des
arbres en fleurs et le plaisir de contempler les couleurs de l'horizon à
l'aube.
En regardant les deux
sœurs, n'importe qui aurait dit que c'est Marie qui aurait dû aimer le vent
dans les cheveux au crépuscule ; mais c'est en Jeanne, la plus jeune, dont le
corps était presque aussi petit que celui de sa mère, l'âme dans laquelle son
père a versé son amour pour le rouge de la terre vivante. En Marie, la force de
vie est venue de sa mère. Sa mère lui a légué tout son art de la couture et de
la confection. Ce qui était important pour Marie, c'était la famille, la
maison.
Ainsi, lorsque les
mauvais jours sont arrivés, que les vaches sont devenues maigres, que l'argent
s'est fait rare et que les besoins à couvrir ont commencé à se multiplier
jusqu'à six fois en deux ans seulement, Marie s'est révélée être une couturière
née. À l'âge où l'on dit que c'est le printemps de la vie, la fille aînée de
Jacob de Nazareth pouvait raccommoder une robe et la rendre comme neuve en un rien
de temps, ou tisser à ses sœurs un manteau de laine en quelques jours, sans
jamais cesser d'être le bras droit de sa mère. Et une fille modèle pour sa sœur
Jeanne. Dans ce dernier cas, comme je l'ai dit, elle avait révélé une capacité
innée à apprendre de son père la signification de l'impact des cycles lunaires
sur l'agriculture, pourquoi les lapins mangent de la laitue, comment pousse
réellement une vraie tomate, pourquoi on coupe les oliviers pour qu'ils ne
fassent pas d'ombre et ne gâchent pas le goût de l'huile. En bref, un millier
de choses.
Le fait est que
Jeanne, en plus d'être l'œil droit de son père, était l'autre bras de sa sœur
Marie, l'un pour son père et l'autre pour sa mère et les deux ensemble dans la
joie, quand les vents ensoleillés et les gouttes froides et les sécheresses et
les tempêtes d'hiver en été et la chaleur d'été en hiver et les pluies allaient
et venaient, quand la tempête mettait les hommes à l'épreuve, essayant de
prendre au Paradis ceux qui affichaient un visage heureux, à ce moment-là les
deux sœurs étaient plus unies que jamais. Ces mauvaises années ont obligé les
deux sœurs à travailler dur. C'est un devoir qu'ils ont adopté en silence,
écrit dans le sang, battant au même rythme que le cœur de leurs parents.
Chacune a laissé son âme s'ouvrir à ses dons particuliers et a agi selon le
cours du mystère de la vie en chacun.
Les yeux de l'aînée,
la vue de Marie, étaient faits pour découvrir l'aiguille dans la botte de foin
; ils ne manquaient jamais d'insérer le fil dans l’œil de l’aiguille, sans même
regarder. Les yeux de sa sœur Jeanne avaient besoin d'un horizon, d'un champ,
d'un ciel ouvert. Au lieu de se disputer, les sœurs ont remercié le Dieu de
leurs pères pour sa sagesse éternelle et son infinie bonté. Aux yeux des deux,
leur père était un homme merveilleux.
"Pourquoi
disons-nous que la sagesse du Seigneur est éternelle et sa bonté
infinie?". Jacob de Nazareth dit à ses deux filles aînées. Parce qu'avec
ses réponses il nous étonne et avec sa bonté il illumine nos visages",
avec un sourire dans les yeux le père a répondu à ces deux filles, les yeux de
son visage.
Combien ils aimaient
l'homme que Dieu leur avait donné pour père ! Leur père poursuit :
"Lorsque nous disons que la Sagesse du Seigneur est éternelle, nous déclarons
de tout notre cœur et de tout notre esprit notre joie de savoir qu'Il ne ment
pas. Mes filles, lorsque nous l'adorons pour son infinie bonté, notre joie est
celle de celui qui s'est trouvé dans la fosse où les méchants ont jeté les
bons, et qui, en levant le visage, a vu le Seigneur rire du savoir des
djinns".
"Mes filles, il
est difficile d'être bon", confesse Jacob de Nazareth à ses filles alors
qu'elles traient les oliviers. "Quand ma Jeanne a-t-elle fait culpabiliser
ma Marie de ne pas avoir ses qualités pour le champ ? Quand maman a-t-elle
grondé ma Jeanne de ne pas savoir coudre une robe aussi bien que ma Marie ? Que
ferais-je sans ma Jeanne si elle ne m'apportait pas le déjeuner à midi, si elle
ne me forçait pas à le manger ?".
Oh, comme ils se souvenaient
de lui ; était-il vrai qu'il était parti ? Ils ne pouvaient toujours pas le
croire. Avec le corps sans vie de leur père devant leurs yeux, Mary et Jeanne
se regardent en silence. Mon Dieu, ils l'avaient vraiment perdu ?
Les deux sœurs
embrassaient maintenant leur mère.
Abattue, la Veuve de
Jacob de Nazareth continue de pleurer son malheur :
"Maintenant,
Marie, maintenant que les vaches grasses arrivent, maintenant que ton père
pourrait s'asseoir dans son vignoble et manger des grappes aussi grosses que
celles de Polyphème et aussi douces que celles de Bacchus, Dieu me pardonne, à
l'instant. Pourquoi, Seigneur, pourquoi ? Dites-moi en quoi votre serviteur
vous a offensé".
Dieu, peut-on
expliquer le lien entre les corbeaux et les malheureux ouvriers sur lesquels
les Parques déposent leur manteau de mauvais augure ? Peut-on comprendre que
Dieu est Dieu régnant sur le Diable ? Qui serait capable d'écrire le scénario
de sa propre vie et de briller comme une étoile au moins aux yeux des
partenaires de papier inventés à cet effet ! Un homme rêve que son destin est
le sien, un enfant rêve de l'homme qui bat dans sa poitrine, pour découvrir au
coin de la rue qu'un coup de vent suffit à réduire ses rêves à des morceaux
condamnés aux ordures. Finalement, la vie humaine est celle du roseau, si le
vent souffle, il se brise et ses restes tombent dans le puits de l'oubli. Qui
n'a pas été tenté de se laisser mourir et d'en finir une fois pour toutes ? Ou
bien serons-nous les plus forts jusqu'à preuve du contraire ?
Pour chacun, il y a
un moment de vérité. Chaque créature a le sien. Et c'est à cette heure-là que
l'être marche ou éclate. C'était l'heure de vérité pour la mère de la Vierge.
"Que
sommes-nous, Marie ?" s'écria la mère de la Vierge pleurant la perte de
son mari. "Nous luttons contre les éléments avec la force d'une créature
d'argile. Nous élevons nos idoles en l'honneur de celui qui nous donne la
victoire. Au Très-Haut nous dédions notre gloire. Mais le Tout-Puissant ne se
lasse pas de nous voir réduits à l'état de bêtes. Le champion s'avance pour
recueillir sa couronne lorsque la mort croise son chemin. Le Tout-Puissant se
lève-t-il pour sauver le coureur solitaire et lui éviter de laisser son âme
dans la course ? Pourquoi reste-t-il assis sur son trône tout-puissant et
omniscient alors que les débris sont balayés de la piste par le vent ? C'est ce
que nous sommes, ma fille, de la poussière qui rêve d'être un rocher, un rocher
qui rêve d'être une montagne, une montagne qui rêve d'être un nid d'aigles ?
Que deviendront tes aiglons maintenant, mon mari ? Qui se lèvera et les
protégera quand le serpent ratissera la falaise et que leur mère ne saura pas
défendre seule ses enfants ?
Quelle réponse
pourrait-on donner à cette femme, quel fou aurait osé lui dire ce que ces
visiteurs ignorants ont dit au Job de la Bible ?
"Tais-toi, vieux
salopard", lui ont dit ces amis. "Si tu es en train de pourrir, c'est
parce que tu es plus méchant que tous les diables réunis. Tu nous as tous
trompés avec tes aumônes et tes bêtises. Dieu merci, le Seigneur a exposé votre
fausseté et votre hypocrisie. Pour eux, le Dieu que vous avez essayé de tromper
comme vous nous avez trompés vous punit. Tais-toi et souffre, vieil homme
pourri".
Quels amis ! Ils
voulaient forcer le pauvre Job à reconnaître que la misère naît de la misère,
que celui qui a conserve parce qu'il avait,
que personne n'est fort par caprice mais que le bonheur ou le malheur d'une
personne fait sa valeur. Selon ces sages, les pauvres sont tous des pécheurs
pervertis, des vicieux corrompus qui méritent ce qu'ils subissent ; les bons
sont tous heureux, heureux mangeurs de perdrix, ils ont l'or, ils ont le
pouvoir, ils sont les meilleurs, les élus de la providence, la race née pour
être heureuse, et ils sont heureux parce qu'ils sont bons, et quand ils seront
meilleurs, ils seront comme les dieux.
"Eve, dit Satan
à la femme d'Adam, mange de ce fruit et apprends. Il y a les bons et les
mauvais, les fous et les intelligents, les riches et les pauvres, les esclaves
et les libres, les forts et les faibles, les anges et les démons. Il y a la vie
et la mort, la vérité et le mensonge, la paix et la guerre, qu'est-ce que tout
cela sinon le sel de la terre ?"
Bon Dieu, quand le
sort des prophètes n'est-il pas suspendu sur un nuage plus ou moins à l'horizon
!
"Mais avec le
mauvais temps, le beau temps, le beau temps", a rapidement rétorqué le
saint Job.
"Où est le fou
qui rit perdu dans la tempête ?" répondirent les visiteurs en riant.
"De
l'Indestructible, de l'Invincible est le dernier rire", leur répondit
encore Job, "De quoi riez-vous et pourquoi riez-vous ? Quelle lumière
êtes-vous venus apporter à mes yeux ? Voulez-vous me condamner pour ce que j'ai
fait ? Ignorants, je suis puni pour ce que je n'ai pas fait".
" Juste est ce
que tu dis, pour le bon la récompense est agréable, pour le mauvais elle est
terrible. Vous avez donc votre salaire. Maintenant, reconnaissez que vous êtes
un pécheur, un traître à la providence comme vous l'avez dit vous-même en
confessant que chacun reçoit pour son œuvre son dû. Dis-nous, pécheur,
qu'est-ce que tu as caché avec tes aumônes et tes postures moralisatrices ?
N'est-ce pas pour cela que Dieu t'a puni ? C'est la punition de Dieu, ne
pleurez pas, éclatez", lui répondirent les amis avec un faux sourire.
Avec quatre autres de
"ces amis", combien de temps aurait-il fallu pour que la patience de
Job s'épuise ? Au lieu de pleurer sur sa malchance, le saint Job éclata de
rire, se leva et les chassa de sa maison.
Sa tragédie, la
tragédie de Job n'était pas dans la chute des murs de sa foi au son des
trompettes de l'enfer. Ce n'était pas le problème de Job. Sa forteresse avait
été construite sur du roc. À l'épreuve des bombes, sa foi est restée intacte.
Le problème qui poignardait l'âme de Job était de ne pas savoir ce qui se
passait, quelle était la raison de ce changement d'avis de son Dieu. Pourquoi
son Dieu l'avait-il abandonné nu et à son sort devant un ennemi armé jusqu'aux
dents ?
Le guerrier suit-il
son Héros et son Roi sur le champ de bataille et, au détour d'un carrefour, lui
tourne-t-il le dos comme celui qui sacrifie un pion sur l'autel de la victoire?
Eh bien, c'est
justement ce dilemme, ce mystère qui a saisi l'âme de la veuve de Jacob de
Nazareth par le cou. Luttant contre les ténèbres avec la seule arme divine
disponible pour les humains, la parole, la mère de la Vierge cherchait la
réponse à la raison pour laquelle la Mort avait pris son mari. Et elle n'a pas
pu le trouver.
"Pourquoi notre
Dieu ne fait-il rien, Marie ? Pourquoi laisse-t-il le serpent parcourir la
falaise et pourquoi se facilite-t-il la tâche en éliminant le père de ses
petits ? Ne la voit-il pas s'approcher, ma fille ? Pourquoi le Dieu de ton père
n'a-t-il pas tendu l'arc et la flèche pour abattre la Bête de la foudre de son
regard ? La flèche a-t-elle manqué sa cible, a-t-elle été déviée par le vent
et, cherchant le dragon, a-t-elle tué le héros ? Dis-moi, ma fille, mon âme est
amère et ses yeux ne peuvent pas voir les plans cachés de l'Omniscient, mais
qu'est-ce que nous sommes, Marie ? Pourquoi exige-t-on la compréhension d'un
dieu d'une créature d'argile condamnée à la poussière pour avoir mangé une
pomme ? Ne me regarde pas avec ces yeux, ne me reproche pas que mon cœur saigne
des mots. Que coulera la blessure de la biche de l'aube quand le chasseur la
poursuivra le matin à l'heure des premières joies ? Ne sera-t-elle pas maudite
la flèche qui entre dans la poitrine de la colombe qui monte sur le cheval du
vent, trotte dans les cieux et revient heureuse à la maison de son maître ?
Déjà il arrive, ma fille, déjà il atteint le bras de son maître, déjà le dard
meurtrier traverse l'air aussi, son maître a le pouvoir de le rattraper au vol,
mais il observe, il ne fait rien, il reste immobile comme si c'était la
récompense d'avoir rempli sa mission sacrée, et déjà la fille de Mercure tombe
dans la poussière aux pieds de celui qui tourne son visage vers elle. Ne me dis
pas de me taire, Marie, tu ne vois pas que si je ne le fais pas, je vais
mourir.
Je sais seulement que
je ne sais rien, bien qu'on dise que Dieu a créé l'homme et la femme pour
qu'ils s'aiment et ne se séparent jamais, on dit aussi que le Diable a juré de
rendre cet amour impossible. Mais dans ce monde, il y a des gens qui sont
sourds et ne comprennent pas, ils ne savent rien, ils rient des cornes du
Diable et osent la mort pour briser ce que Dieu a uni avec des liens plus forts
que les paroles du Serpent.
Anne, la veuve de
Jacob, et Jacob de Nazareth, père de Marie, la future mère de Jésus-Christ, ont
vécu ce défi. Une fois qu'ils se sont rencontrés, s'ils ne se mariaient pas,
ils mourraient, et une fois mariés, ils ne pouvaient plus envisager de vivre
l'un sans l'autre. Chaque année qu'ils passaient ensemble, ils adoraient le
Dieu qui avait transformé une côte, une simple côte, en quelque chose d'aussi
beau que cet amour.
LA MORT DE JACOB DE
NAZARETH
Jacob, le fils
de Matthan de Nazareth, est mort quelques mois après la naissance de
l'enfant dont lui et sa femme Anne avaient tant rêvé, et après lequel ils n'ont
cessé de courir jusqu'à ce qu'ils l'aient eu. Nous savons que l'idée d'avoir un
couple, de donner naissance à un mâle est un cliché. Mais à cette époque de
terreur fiscale et de sécheresses aussi longues que le désert du Sahara, un
homme devait rêver d'avoir un fils. Pour lui transmettre tout son savoir en
matière de travaux agricoles, pour s'appuyer sur ses jeunes bras lorsque les
siens ne pouvaient plus tirer la charge à cause de la vieillesse. Mec, tu as
toujours des gendres, mais ce n'est pas la même chose. Ce n'est pas la même
chose d'être considéré comme un fardeau que d'être porté par l'enfant de vos
entrailles. Ce n'est pas non plus la même chose de laisser tout ce que vos
parents vous ont laissé à votre propre fils qu'au fils d'un étranger. A ceux qui
pensent que ces hommes étaient des anciens, ignorants de la vie, qui ne
savaient pas qu'une femme peut faire ce qu'un homme peut faire, ou mieux
encore, à ces modernes, le mieux que l'on puisse offrir est le silence.
Faisant la sourde
oreille à l'intelligence de tant de gens modernes, toujours tournés vers le
soleil des siècles, Jacob de Nazareth et sa femme courent après le mâle, ravis
de jouir d'être anciens. Et ils l'ont rattrapé. Ils l'ont
appelé Cléophas parce que lorsqu'ils l'ont vu pour la première fois
dans les bras de sa mère, Jacob de Nazareth a pensé à son beau-père. Que dire
du physique de leur petit garçon, le plus beau du monde, bien sûr.
Eh bien, tout le
monde dans la maison de Marie était déjà au paradis quand soudain son père
s'est endormi sous ce figuier, tant son père et sa mère étaient heureux! Cinq
filles comme cinq soleils, toutes en bonne santé, toutes heureuses, toutes
jouant avec la poupée que leurs parents leur avaient achetée. La chair et le
sang. Il pleure, il fait pipi, il fait caca. Une joie. Et soudain, alors qu'ils
étaient tous à la maison comme au paradis, son père est mort. Quelle tragédie,
quelle pitié ! Le diable lui-même attaquant la maison de toutes parts n'aurait
pas pu faire autant de mal à la mère de ces six enfants. Le chagrin de la Veuve
était d'autant plus profond que, n'ayant personne de sa famille à ses côtés,
dans son désespoir, elle était déjà assiégée par un ennemi invincible qui
exigeait sa reddition immédiate ou la destruction totale de sa maison. Si
seulement elle avait eu ses parents à ses côtés, ou sa Tante Elizabeth, mais
non, personne. Et qui était-elle à Nazareth ? Malgré les années, la femme de
Jacob était toujours une étrangère, l'étrangère qui leur avait pris le
célibataire en or de la ville.
"Comme elles
étaient belles, d'avoir épousé un étranger ; une petite fille en plus, qui a
l'air d'une idiote", se consolaient les nazaréennes. "Très bien. Très
poli. Nous verrons, lorsqu'elle commencera à accoucher et qu'elle devra gérer
seule la maison de son beau-père, quelles seront ses manières et son petit
visage de princesse de la ville sainte". Les gens ne vous veulent pas mal
mais ils ne vous veulent pas bien non plus. Tous ceux qui viennent de
l'extérieur doivent rendre compte de leurs intentions aux habitants. Tout doit
être conforme aux directives de la communauté, aux règles de la tradition.
La Veuve de Jacob de
Nazareth ne les connaissait-elle pas tous ? Ne l'avaient-ils pas observée
pendant les années de vaches maigres, comme on attend que le héros s'écroule,
pour prendre le plaisir de voir ces deux tours mordre la poussière comme
n'importe quel clocher de village ? Quel réconfort la Veuve pouvait-elle
trouver auprès de ceux qui étaient déjà en train de compter et de calculer
comment ils pourraient diviser la succession du défunt ? Combien lui
offriraient-ils pour les vignes ? Combien pour les oliviers ? Combien pour la
terre sèche ?
"Pourquoi
tuons-nous le miracle de notre existence quotidienne dans des jugements contre
notre prochain, mon enfant ? Qui sait combien de temps dureront nos jours dans
ce monde ? Seul le Seigneur le sait, mais de sa bouche ne sort jamais le
chiffre. Imaginez qu'il vous surprenne en train de compter en critiquant votre
voisin à mort, ou en jetant la pierre en premier. Ne serait-il pas plus beau
s'il vous surprenait en train de partager votre pain avec les pauvres ?",
dit la mère à sa fille Marie, alors qu'elles cousaient, seules. Et pourtant, maintenant,
c'était la mère qui demandait à sa fille d'être bonne avec elle et de ne pas
refuser de parler à la douleur de son âme.
"Laisse-moi
mourir, Marie. Ne vous inquiétez pas que mon âme s'éteigne en paroles brisées.
Le Seigneur a enlevé mon mari, me laissant seule avec ses six enfants. Pourquoi
mes yeux devraient-ils être retenus et mon cœur envier le rocher que le
Tout-Puissant a pour son cœur ? Ma fille, il est facile, depuis les neiges, de
regarder la vallée qui brûle en été. Quand le Tout-Puissant s'est-il mis dans
la peau du soldat qui tombe nu sur le champ de bataille en défendant sa vie
pour l'honneur de son âme d'argile tendre et humide ? Comme il est facile de
s'asseoir sur le trône du jugement pour signer des sentences ! Le Seigneur est
loin de la faiblesse humaine, nos passions ne l'affectent pas. S'il fait froid,
Il ne tremble pas ; s'il fait chaud, Il ne transpire pas ; si une flèche est
tirée sur Lui, elle ne l'atteint pas ; s'Il dort, Il n'est pas troublé. Que
sait l'Indestructible de la fragilité de notre existence ? Ne vois-tu pas, mon
enfant, comment la vallée se nourrit de nos larmes ? Pourquoi devrais-je
réprimer ma douleur et lier ma langue par peur ? Le guerrier ne court-il pas à la rencontre de la mort ? Que Dieu me
tue, qu'Il me rende la vie de mon homme, pourquoi ne fait-il rien, pourquoi se
tient-il aux aguets de l'autre côté du précipice ? Sur quoi, ma fille,
l'Eternel fonde-t-il son silence et son impassibilité ? Si seulement il se
levait comme un soleil et parlait avec la voix de la tempête, et de son âme les
rayons de sa sagesse tisseraient au firmament des nuages chargés
d'intelligence. Mais non, ma fille, que la tempête fasse rage, que les terres
tremblent, que les montagnes s'écroulent et ensevelissent villes et villages, que
la mer s'emballe et coule des îles avec leurs habitants, le Seigneur,
inatteignable, indestructible, ne bouge pas un sourcil. Il voit le désastre et
tout ce qu'il offre, c'est un mouchoir de deuil pour demander pardon de ne pas
avoir anticipé le mouvement du Serpent ? Dis-moi, ma fille, que ce n'est pas
Lui qui a tiré la flèche qui a tué l'aigle et laissé à la merci du diable le
nid de ses aiglons. Mais ne me refusez pas le droit de me plaindre du sort de
mes filles sur le cadavre de mon défunt".
Transpercée par le
chagrin de sa mère, Marie l'a consolée de cette manière :
"Nous sommes
tous égaux à tes yeux, mère. Nous ne sommes uniques que dans les yeux de nos
parents. Nous sommes ses créatures aussi loin que nos yeux peuvent voir, mais
il porte le fardeau de nous tous sur son peuple. En temps voulu, il se lèvera,
mère. Et ses pieds brilleront de l'éclat du héros habillé pour la guerre contre
celui qui a pris son homme de notre mère Eve. Je sais que je suis jeune, maman,
mais crois-moi, malgré tout l'amour que je lui porte, le Dieu de mon père ne
laissera pas sombrer la maison de ma mère. C'est ça, mère, calme tes larmes. La
mort emporte les meilleurs, pensant qu'en laissant les mauvais, elle laisse les
petits sans protection contre les tyrans. Elle ignore que lorsque les bons
partent, ils vont au paradis pour récupérer les armes des anges. Père nous a
défendu comme un homme et nous a fait avancer. Mon père va maintenant défendre
ses filles et son enfant avec l'épée des chérubins. Ma mère, arrête, ne regarde
plus son cadavre.
La Veuve écouta les
paroles de sa fille aînée comme quelqu'un qui reçoit des baisers de loin.
C'est Marie et sa
sœur Jeanne qui ont trouvé leur père assis contre le tronc de ce figuier. En
vérité, ce n'était pas exactement la période des récoltes, mais Jacob de
Nazareth aimait cueillir les premières figues de la saison ; il disait qu'elles
étaient les meilleures pour faire du pain aux figues.
Jacob a harnaché la
bête. Il a tiré seul dans le champ avec le frais. Le verger de figuiers était
de l'autre côté des collines, vu de la colline de Nazareth en face. Ravi de la
vie, le brave homme dit au revoir à sa maîtresse. Ses deux filles aînées lui
apportaient le déjeuner et l'aidaient à ramasser les paniers. Jusque-là, eh
bien, c'est tout, un baiser, au revoir.
En le voyant partir
d'une si belle manière, qui aurait pu dire que l'homme rentrerait chez lui mort
?
A l'heure du
déjeuner, Marie et sa sœur Jeanne sont venues au camp. Marie avait un an de
plus que Jeanne et elles étaient toutes deux des filles en fleur. Marie et
Jeanne ont cherché leur père et l'ont trouvé assis à l'ombre de ce figuier.
"On le laisse
dormir encore un peu, Jeanne ? En attendant, rassemblons les paniers", dit
Marie.
Les deux sœurs se
sont mises au travail. Ils ont fini de rassembler les paniers, et leur père ne
s'est pas réveillé. Mais il ne se réveillait pas.
"Comme papa dort
bien aujourd'hui, n'est-ce pas, Marie ?" dit Jeanne.
Ils se sont occupés à
travailler davantage. Au bout d'un moment, ils ont commencé à se regarder d'un
air inquiet.
"Est-ce que
quelque chose va arriver à papa, Jeanne ? La plus âgée des deux est donc allée
voir ce qui n'allait pas avec son père.
Je ne vais pas
m'attendrir ici, comme quelqu'un qui veut conquérir le lecteur en lui faisant
monter une mer de larmes aux yeux. Chacun a déjà vécu les formalités d'un
enterrement et sait combien il est douloureux de perdre ce que la Mort n'aurait
jamais dû emporter. Mais c'est elle, la Marie, qui s'agenouille pour le
réveiller, qui découvre la vérité dans la pâleur du visage de son père.
La fille n'a pas
crié, elle n'a pas été effrayée. Elle prit la tête de son défunt dans ses bras,
berça son corps, embrassa son front, regarda sa sœur Juana qui s'approchait en
larmes. Joan a embrassé sa sœur Marie et Marie s'est laissée
embrasser jusqu'à ce que Jeanne ait tout laissé sortir et qu'ensemble elles
aient pu remettre leurs âmes ensemble.
"Rentre à la
maison, Jeanne, et dis à maman ce qui se passe", demande Marie à sa sœur.
Jeanne monta sur
l'âne et, pleurant le cœur lourd, courut à travers les collines. Pendant ce
temps, Marie restait seule avec le corps de son père, sous ce figuier,
caressant le visage de celui qui était pour elle l'homme le plus merveilleux du
monde, qui était parti sans laisser à sa femme et à ses filles la possibilité
de lui dire une dernière fois combien elles l'aimaient.
" Que deviendra
votre enfant maintenant, père, dans les yeux duquel trouvera-t-il l'image
divine de l'homme que vos filles ont découvert en vous ? " murmura la
jeune Marie en s'adressant au Ciel.
Cela dit, un ennemi
cruel et sadique se déchaînant dans la maison n'aurait pas fait autant de mal à
la veuve de Jacob de Nazareth que la façon dont la Mort lui a enlevé son mari.
Si son homme était mort en défendant les siens dans quelque guerre, ou en
vendant la vie de ses filles au prix de la sienne, je ne sais pas, mais mourir
comme ça, sans prévenir, alors qu'ils avaient trouvé le bonheur, après avoir
surmonté une décennie d'années aussi mauvaises que le cœur d'Hérode.
Que vais-je vous dire
des litres de larmes que la veuve a versés ce jour-là et cette nuit-là ? Une
fille en fleur, une sœur dans la fleur de l'âge ne sont-elles pas mortes ? La
mort n'a-t-elle pas arraché l'étoile de vos yeux pour vous laisser dans les
ténèbres les plus sombres ? Vous auriez dû rire aux éclats, battre des mains,
le cœur ouvert à tout espoir, et soudain, du jour au lendemain, une heure avant
que l'aube ne se lève, l'aube se transforme en nuit sans lune, la plaine
devient un puits sans fond, et en regardant en bas, vous voyez le visage du
Serpent qui vous accueille.
Jacob et Anne
s'étaient aimés dès le jour où ils avaient posé les yeux l'un sur l'autre.
C'était le coup de foudre. C'était de poser les yeux l'un sur l'autre et de
savoir que la recherche était terminée.
Jacob et Anne sont
nés l'un pour l'autre, ils sont faits l'un pour l'autre, ils sont les deux
moitiés d'un même fruit. Il était naturel qu'il meure aussi amoureux de sa
femme qu'au premier jour, et que la Veuve le perde plus amoureux de son mari
que jamais. Et si vous ajoutez à ce chagrin le fait que la maison est restée
sans homme pour s'occuper des champs et des bêtes : vous avez déjà lu la
recette magique du ragoût amer que la Veuve a versé dans le cœur de sa fille
Maria pendant les deux jours qui ont suivi l'enterrement de son père.
LE VŒU DE MARIE
Comme les catholiques
de toujours, ces femmes hébraïques étaient trop tragiques pour pleurer la mort
d'un être cher. Je ne dis pas que c'est bon ou mauvais, c'était juste la façon
dont c'était. Les Romains, quant à eux, utilisaient les funérailles comme
prétexte à un banquet, le dernier banquet, le dernier souper des Césars. Sur
les fresques de la demeure du défunt à Pompéi, le banquet d'adieu de Cicéron
montre sa famille et ses amis buvant à la santé du mort. La couronne d'orateur
sur leur tête rappelle une couronne de laurier mais tressée avec des bras de
vigne. Bon Dieu, les Romains étaient si durs que même la mort ne pouvait leur
arracher une larme. Ils avaient besoin d'être touchés par le bâton de Bacchus
pour se rappeler qu'ils étaient des hommes, aussi chair et sang que les autres
barbares de l'orbe. Ce n'est que lorsqu'ils étaient ivres qu'ils ont versé une
larme.
Les Hébreux,
contrairement à la majorité des peuples, préféraient pleurer les morts torse
nu, à l'air libre. La distance, la distance, l'absence, l'absence a besoin d'un
temps pour décoller. Je suppose que la coutume impose sa culture et que chaque
culture la vit à sa manière. Les Hébreux, de toutes les manières possibles, ont
choisi la plus douloureuse, ils n'enterraient le défunt que le troisième jour
après sa mort.
Les larmes étaient à
l'ordre du jour ! Et si en plus il y avait le cas présent, un jeune homme, dans
la force de l'âge, marié et aussi amoureux de sa veuve qu'au premier jour, père
de six enfants, un homme qui n'était jamais malade, un homme qui ne semblait
jamais fatigué, qui est mort sans personne pour s'occuper de ses champs, qui
est parti au moment où la tempête se calmait, eh bien, mettez tous ces éléments
dans le même shaker, secouez-le, et le résultat est explosif. L'explosion qui a
déclenché la mort de Jacob de Nazareth, vous la découvrirez bientôt ; ses
conséquences perdurent encore.
Il y avait la Veuve
elle-même. Dès son plus jeune âge, la mère de la Vierge est une fille très
coquine. Le jour où son père, Cléophas de Jérusalem, lui a interdit
de penser à épouser l'homme qui devait être le père de ses enfants, aussi sûr
que la pluie tombe, la jeune mariée s'est enfuie à la recherche de sa tante
Elisabeth, dans les rues de Jérusalem, laissant une traînée de larmes brisées.
Elisabeth, épouse de
Zacharie, le futur père du Baptiste, la connaissait déjà. Ce n'est pas pour
rien qu'Anne était sa nièce.
"Mais bon, ma petite
fille, vas-tu me dire ce qui ne va pas chez toi ? Quand on commence comme ça,
on oublie que je ne sais rien. On pleure ensemble ou je me moque de toi jusqu'à
ce que tu ries avec moi ?". La Tante Elizabeth aimait sa
nièce Ana avec une tendresse divine.
Cette
femme, Tante Elizabeth , aimait sa nièce plus que les murs de
Jérusalem, plus que les nuages du ciel de printemps, plus que les étoiles du
matin et du soir réunies, elle l'aimait plus que ses vêtements et plus que son
argenterie, mais chaque fois que sa niece lui tombait
dessus comme ça, elle ne savait pas si elle devait se joindre à elle pour faire
la moue ou rire de ses larmes. Ce n'était pas non plus parce qu'à chaque relève
de la garde, sa nièce Ana arrosait le désert de flots d'eau salée. En vérité,
lorsqu'elle se mettait en colère au point de ne plus pouvoir articuler un mot
et qu'il fallait lui laisser le temps de se calmer, cela signifiait que quelque
chose de très grave était arrivé à son Anne.
La mort du père de
vos filles, dont deux seulement sont des filles, les autres étant jeunes, et un
bébé qui donne la canne, la vérité est une bonne raison de pleurer jusqu'à ce
que vos os soient secs.
Il se trouve que la
Veuve, mère de la Vierge, a sombré au plus profond d'un désespoir
compréhensible. Pendant un moment, elle est restée muette. Elle ne dit rien, se
contentant de pleurer dans les bras de cet enfant qui n'avait jamais connu son
père. Avec Cléophas dans ses bras, la Veuve de Jacob de Nazareth a
pleuré toute la journée et toute la nuit.
Désespérée, elle se
voyait entourée de ténèbres denses et fatales ; enfoncée, elle imaginait la
maison de ses défunts engloutie par les impôts ; brisée, défaite, elle se
voyait vendre ses enfants pour les sauver de la ruine.
Filles de David,
elles l'étaient toutes, à une époque où il ne suffisait pas d'être juif ; avoir
une fille de David pour épouse était un passeport pour les avantages que César
avait accordés aux Juifs en remerciement de lui avoir sauvé la vie contre le
dernier des pharaons.
Je raconte
l'histoire.
En poursuivant Pompée,
Jules César a eu des ennuis. On a vu César courir comme un fou après Pompée. Et
voilà qu'il débarque en Égypte. A cette époque, le frère du pharaon venait de
tuer Pompée. Ce même pharaon qui venait d'exécuter Pompée est venu et s'est
acharné sur César. Je crois que le frère de Cléopâtre a même osé déclarer la
guerre au Conquérant de la Gaule.
Comme on le sait,
contre tout espoir, ce petit pharaon était presque sur le point d'envoyer César
à l'Elysée des célèbres généraux romains. C'est alors que le père d'Hérode
réussit à rassembler des milliers de cavaliers, à traverser au galop le désert
du Sinaï et à charger le frère de Cléopâtre, brisant ainsi le siège et sauvant
César du danger. En contrepartie, Jules César accorde aux Juifs un certain
nombre de privilèges impériaux, tels que l'exemption du service militaire, la
liberté de mouvement pour la dîme du Temple, etc.
La condition sine qua
non pour bénéficier de ces privilèges était d'être citoyen de Judée.
Astucieux comme des
renards, rusés comme des anguilles, les Juifs ont trouvé de nombreux moyens de
falsifier les documents. De tous les moyens imaginables pour déjouer l'Empire,
le plus simple était d'acheter de faux documents, que n'importe quel
bureaucrate travaillant au registre du Temple à Jérusalem vous servait pour une
poignée de drachmes.
Mais il y avait un
autre moyen, moins cher.
Quelle meilleure
façon d'appartenir à la liste des privilégiés que de se déclarer descendant du
roi David ? Et pour mieux fermer le circuit, incluez le fait d'être né à Bethléem
de Judée, "s'il vous plaît ".
Et il y avait encore
une autre formule, encore meilleure, plus agréable : acheter une fille pour
épouse au roi David, bien sûr.
Pour cette raison,
les descendants du roi David sont en augmentation. Si cela a bien payé pour une
fille de David, combien cela paierait-il pour une véritable fille du roi
Salomon ? Et pas n'importe quelle fille, une fille de mots, non ; il s'agit
d'une descendante authentique du mythique roi sage.
Une chose si courante
à l'époque, la vente des filles au plus offrant, ressemblait pour la veuve de
Jacob de Nazareth à comparer les femmes à du bétail. Par Joshua et les sept
cents trompettes qui ont fait tomber les murs de Jéricho, pour vendre ses
filles pour de l'argent ? Elle qui s'était mariée par amour et savait combien
le mariage est doux par amour et seulement par amour ?
Cette pensée a
déchiré son âme.
Pourtant, elle ne
voyait pas comment elle pourrait sauver ses filles d'être traitées comme des
bêtes à acheter et à vendre sur le marché des passions humaines. Plus elle y
pensait, et plus le cadavre de son cadavre lui rappelait, plus ses larmes
devenaient amères pour l'avenir qui attendait ses enfants. Il y avait aussi
l'enfant.
"Et que
deviendra mon Cléophas sans ton père, Marie ? que deviendra la maison
de ton père, ma fille ?" la Veuve de Jacob de Nazareth a déversé son sort
dans le cœur de sa fille Marie.
Entre mère et fille,
que dire, la fille ressemblait à la mère. Marie embrasse sa mère et la console
avec des mots pleins de tendresse et de jugement. Et pourtant, la fille était
en fleur.
Marie était une
enfant qui n'avait connu que la joie dans ce monde. Elle avait aimé son père à
la folie, et à la voir réconforter ses sœurs et sa propre mère, il était
difficile de croire ce qui se passait.
"Papa dort,
Jeanne", c'est la première chose qui est sortie du cœur de Marie quand ils
l'ont trouvé mort.
"Papa est au
Paradis, il nous attend tous là-bas, Esther est ici, viens ici Ruth, calme-toi
Naomi", dit-elle à ses petites sœurs en buvant ses larmes.
La fille a laissé ses
sœurs avec Joanna et est allée chez la veuve :
"C'est ça, maman
; le père est au ciel. Son Dieu ne permettra pas que ses filles soient vendues
comme esclaves", a-t-elle chuchoté à l'oreille de sa mère, en chassant ses
larmes avec un baiser.
"Ma fille",
a essayé d'articuler la veuve. Mais elle n'a jamais terminé sa phrase, faisant
la moue et retournant à l'obscurité qui enveloppait sa maison et peignait
l'horizon de sa famille avec les couleurs souffrantes d'une vision macabre.
Le résultat du
désespoir naturel de la veuve de Jacob de Nazareth a été le suivant.
La vision sombre que
la Veuve s'était faite de l'avenir de ses filles correspondait à la réalité de
tous les jours. La mort du chef de famille obligeait les veuves à donner leurs
filles au prétendant qui mettait le plus d'argent sur la table, quel que soit
l'âge de l'acheteur. C'était la vérité, et il n'y avait pas besoin d'y
réfléchir à deux fois. Du point de vue de l'homme riche, plus il y a de veuves,
mieux c'est, car il y a plus de bétail frais et jeune à choisir.
Le monde a été créé à
l'image et à la ressemblance des passions des puissants et toute affirmation
contraire ne nous mènerait nulle part. Pour aggraver les choses, avec les lois
récentes sur le divorce, la chair des femmes était achetée pour être utilisée
et jetée ; elle était digérée au goût du consommateur, puis jetée pour que le
prochain homme en suce les os. Et malheur à ceux qui ne suivaient pas cette
voie. Dans les classes supérieures, n'avoir qu'une seule femme était un signe
certain de conspiration contre Hérode.
"S'est-il marié
une seule fois, et n'est-il pas connu pour avoir au moins une deuxième ou une
troisième femme ? Il conspire sûrement contre votre majesté, votre
altesse". Pour des raisons aussi absurdes que celle-ci, des têtes juives
roulaient dans les rues de Jérusalem à cette époque.
Ce n'était pas
quelque chose que la veuve inventait. Elle était de Jérusalem, de la classe
supérieure, elle connaissait cette réalité ainsi que le fait que son mari
gisait mort devant ses filles.
Que c'était tout,
qu'elle devait arrêter de pleurer, que ce n'était pas grave, que tout
s'arrangerait, que le Seigneur ne permettrait pas que cela se produise. De très
belles paroles, pour lesquelles la veuve était reconnaissante. Elle savait
seulement qu'il y a un jour à peine, elle s'était réveillée avec la joie de la
femme la plus heureuse du monde et cela ne faisait pas deux jours, elle était
"la Veuve".
"Laisse-moi
pleurer, ma fille. Ne vois-tu pas que si je ne le fais pas, je vais mourir
?", supplie inconsolablement la veuve à sa fille Marie.
Profitant d'une
accalmie, alors que Jeanne et Marie étaient seules avec leur mère, Marie, fille
de Jacob de Nazareth, ouvre la bouche.
Le Ciel est témoin de
ce que je dirai ensuite, et qu'il m'envoie dans l'affreux enfer si j'invente un
seul mot. Dans la nuit de ce jour, lors de la veillée funèbre pour la mort de
son père, la fille aînée de la Veuve de Jacob de Nazareth a attaché sa vie à un
arbre qui avait le pouvoir de la pendre si elle n'accomplissait pas le vœu
qu'elle avait inscrit dans le cœur de sa mère et de sa sœur Jeanne.
Marie aurait pu se
taire ; il était en son pouvoir de mettre le doigt sur ses lèvres et de ne pas
se soumettre à l'épreuve. Mais il n'était pas dans le caractère de la fille de
Jacob de résister aux incitations de sa personnalité. Elle a préféré accepter
toutes les conséquences.
Personne ne les
écoutait, ils étaient tous les trois seuls devant Dieu. C'est pourquoi je vous
ai dit que celui qui veut être sûr de ce que j'écris, il y a le même Dieu qui a
pris au mot la fille de Jacob de Nazareth pour m'affirmer ou me démentir. Que
Dieu apparaisse comme Juge est naturel, qu'il apparaisse comme Témoin est
quelque chose d'extraordinaire. Mais c'est la gloire des braves.
Et je continue.
Là, devant sa sœur
Jeanne, Marie a juré à sa mère que cela - ses filles vendues comme esclaves au
plus offrant - n'arriverait jamais à ses sœurs, avant que le Diable ne détrône
le Très-Haut, que l'Enfer ne conquière le Paradis, ou que cela n'arrive lorsque
le cœur d'Hérode sera élevé sur les autels.
La foi de la fille de
Jacob de Nazareth était si grande, sa confiance dans le Dieu de son père si
innocente, qu'il ne pouvait entrer dans son cœur que son Seigneur abandonne sa
famille à la merci des temps.
Alors, très
calmement, avec le sérieux d'une adulte, elle, Marie de Salomon, fille de Jacob
de Nazareth, rendit témoignage au Dieu de son père, et devant sa mère et sa
sœur Jeanne jura, invoquant la loi de Moïse contre sa tête si elle rompait son
vœu, qu'elle, Marie de Salomon, n'enlèverait pas le voile de deuil de la mort
de son père avant d'avoir vu toutes ses sœurs mariées, qu'elle ne signerait pas
son propre contrat de mariage avant d'avoir vu son petit
frère Cléophas marié avec des enfants.
De plus, elle ne se
marierait pas avant d'avoir vu les enfants de son petit
frère Cléophas sautiller, tous heureux et satisfaits dans cette même
pièce où le chagrin triomphait maintenant. Ce n'est que ce jour-là qu'elle
enlèvera le voile de deuil de son père.
La Veuve a levé la
tête à l'infini. Jeanne a regardé sa sœur avec des larmes d'éternité dans les
yeux. Marie De Salomon poursuit :
"Par la mémoire
de mon père, je te jure, mère, que mes sœurs ne connaîtront aucun maître. Quand
ils quitteront la maison de mon père, ils sortiront en se réjouissant dans les
bras de cet amour dont leurs pères ont vécu et dont leurs filles ont bu à
satiété. Aucun homme ne pourra acheter les filles de Jacob. Consolez son âme,
ma mère. L'enfant que tu tiens dans tes bras choisira parmi les filles d'Eve la
plus belle. Que le Seigneur me fasse donc si je manque à ma parole : pour mari,
donnez-moi le plus méchant homme du monde. Ne vous brisez plus le cœur, mère ;
n'offensez pas le Ciel en accusant notre Seigneur de notre malheur, de peur que
mon père ne doive courber la tête devant Abraham pour l'offense supportée par
des larmes qui ne finissent jamais. Mon père marche parmi les anges et aux
pieds de son Dieu implore la clémence pour sa maison. Dis-lui, Jeanne. "
LA TANTE ELISABETH À NAZARETH
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